mercredi 22 juin 2016

Le fleuve des brumes (Valerio Varesi)

[...] Mais pourquoi avoir attendu cinquante ans ?

Cette infâme couverture (on en fait pourtant de si belles !) a bien failli nous tenir définitivement éloigné de ce bouquin et il aura fallu pas mal de billets de ci de là pour éveiller et maintenir notre intérêt pour Le fleuve des brumes.
Heureusement, la liseuse nous épargne finalement cette agression tous les soirs sur la table de chevet. Allez.
Encore un polar italien ! Un de plus [clic], la vague continue.
Et puisqu'il est question de flot justement, Valerio Varesi nous emmène sur les berges du Pô, en pleine crue (c'est d'actualité !).
Entre Crémone et Mantoue, une péniche qui part à la dérive, un batelier qui disparait, une défenestration peu naturelle, ...
[...] Mais le cadavre n’a jamais été retrouvé…
— Le fleuve, d’habitude, rend toujours ce qu’il prend. Mais ici on dit que celui qui ne sait pas nager de son vivant ne flotte pas non plus quand il est mort. »
Le commissaire Soneri va mener son enquête, au fil des eaux, au rythme lent de la crue et de la décrue, un rythme ponctué de temps en temps par sa fougueuse compagne Angela dont les débordements ne supportent pas l'amour entre deux tables de chevet et préfèrent des lieux incongrus.
[...] Le commissaire réfléchissait. Deux frères au centre de deux affaires à quelques kilomètres de distance. L’un qui vole par la fenêtre, l’autre qui disparaît alors que sa péniche dérive le long du fleuve en crue. Il se figura le Pô et toute cette eau lui rappela qu’il pleuvait sans trêve depuis cinq jours.
Des investigations patientes et obstinées, d'autant que la plaine du Pô est un pays de taiseux.
[...] Sur le Pô, il y a des gens farouches. On se tient à distance de tout le monde comme les bêtes dans les bois. Le seul moment de proximité est lorsqu’on se croise, mais on va dans des directions opposées.
[...] Quelqu'un sait et se tait.
Alors on se laisse porter par le rythme lent des rencontres du commissaire Soneri : histoires de familles, trafic fluvial, fantômes de Salò, vieilles rancunes entre chemises noires et bannière rouge de chaque côté du fleuve, ...
Les blessures de l'Histoire ne sont toujours pas cicatrisées.
Et ces pluies, et cette crue qui n'en finissent pas ...
[...] Vous avez bien choisi, le félicita-t-il en indiquant les pâtes aux haricots.
— J’ai du flair pour la nourriture. Plus que pour les enquêtes.
— Il faut de la patience, le consola le vieil homme. Ce n’est pas un don très répandu. Aujourd’hui tout le monde est pressé.
Le commissaire est d'une patience à toute épreuve, il laisse ces taiseux venir à lui, il passe d'une rive à l'autre, d'un camp à l'autre, suscite les confidences, attend les confessions. Pas vraiment une enquête, à peine une quête, plutôt une patiente attente des flux et reflux des eaux ...
[...] Il craignait qu’une question trop directe bloque le récit du vieil homme. Ce ne devait pas être un interrogatoire, mais une incitation à l’aveu.
[...] « Mais pourquoi avoir attendu cinquante ans ? »
Bref, ça valait le coup de fermer les yeux sur cette horrible couverture pour plonger avec Varesi dans le passé agité et douloureux de cette région italienne que l'on ne connait guère.

Pour celles et ceux qui aiment les débordements (de rivières).
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