mardi 17 mai 2016

Trois jours avec Norman Jail (Eric Fottorino)

[...] J’ai été employé aux écritures.

La vérité sur l'Affaire Norman Jail ?
Oui mais que dire de ces Trois jours avec Norman Jail ?
Que dire de ces trois heures passées avec Eric Fottorino ?
Ça commençait plutôt bien, et c'est même ce qui nous a piégé, parce que le bonhomme sait écrire : il n'est pas journaliste et directeur du Monde pour rien.
Les effets sont enfilés avec brio mais comme des perles dont l'éclat aurait été terni, le brillant épuisé, d'avoir été passées d'un collier à un autre puis à un autre encore.
[...] La majorité était alors fixée à vingt et un ans. Il tenait à devenir, avait-il prétendu, un écrivain mineur.
[...] Lire me plaisait. C’était comme rêver les yeux ouverts.
[...] Vous y verriez une ironie du sort. Le plus clair de mon existence, j’ai été employé aux écritures.
[...] L’auteur s’était épuisé plus encore que son livre.
Mais justement son bouquin parle (trop) du travail d'écriture : un sujet battu et rebattu, qui fera à coup sûr les unes de la blogoboule, un thème qui ne sent peut-être pas la finale du prix qu'on court mais tout au moins l'épreuve éliminatoire, peut-être même le match de gallinacées et très certainement l'entrainement par équipe sous le maillot gallimard (Fottorino est mordu de vélo).
Pendant de trop longues pages et d’interminables chapitres, les premiers jours passés avec Norman Fottorino s'étirent en longueur pendant qu'il nous raconte, les affres de l'écriture, de l'écrivain, de son stylo et de sa page blanche.
Avec brio mais sans grande originalité. Tout a déjà été dit et redit, du moins sur ce ton là, et n'est pas Bukowski qui veut, qui osait se mettre à nu, au propre comme au figuré.
Le personnage de Norman Jail est plein de suffisance et - même si ce caractère désagréable annonce bien entendu la chute - on n'est pas loin de penser que l'auteur finira par ressembler à sa créature.
Dans ce registre où les écrivains parlent des écrivains, Norman Jail a beau se dire lui-même buvard, on est très très loin du charme discret du premier roman de Julia Kerninon et en dépit d'un dénouement qui se donne des allures de polar, on est également très loin de l'auto-dérision haletante de l'Affaire Harry Québert.
Et puis, Fottorino le dit lui-même, le lecteur n'aime pas trop qu'on lui démontre les tours de magie des écrivains et préfère rester sur sa naïve surprise : ô bravo, mais d'où lui est venue cette tournure-là, ô joli, mais de quel chapeau ou stylo sort-il cette belle phrase aux oreilles de lapin, ...
L'écriture comme la prestidigitation doit rester un peu secrète et la voici étalée et décortiquée sur des dizaines de pages.
[...] Un roman réussi est un tour de magie.
[...] Vous ne savez pas bien comment l’auteur a fait, et si vous le saviez, le charme serait brisé.
Alors oui, le spectateur est bien déçu. Le show est bien rodé, les éclairages sont professionnels, la musique est de qualité, alors on reste dans la salle jusqu'au clou du spectacle : un retournement que même le lecteur le plus inattentif a vu venir de loin mais Norman Fottorino n'est pas avare de son métier et nous ressert encore un ou deux twists, des rappels en quelque sorte.
Mais nos applaudissements ne sont guère enthousiastes, comme son livre : de convenance et sans chaleur.

Pour celles et ceux qui aiment les écrivains
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