dimanche 3 mai 2015

Le syndrome du pire (Christoffer Carlsson)

L'homme qui voulait être invisible.

Allez encore un énième polar nordique ! Et même suédois de Suède.
Voici Le syndrome du pire, de Christoffer Carlsson, vanté comme LE roman policier de l'année en Suède par l'éditeur français (Ombres Noires), qui nous le proposait dans le cadre de Babelio.
PNC aux portes, début de descente vers Arlanda.
À l'été 2013, une jeune droguée est assassinée dans un foyer, quelques étages juste au-dessous de l'appartement de Léo Junker.
Léo Junker est (ou était) flic. Flic aux Affaires Internes (oui, les bœuf-carottes, y'en a même en Suède).
Il était, car le voici en arrêt, dépression, cachets, alcool (absinthe : certains suédois savent vivre !), déchéance et perdition après une 'bavure' (que vous découvrirez en temps utile, on ne va pas quand même pas tout vous raconter !) où le pauvre Léo semble bien avoir été manipulé.
Mais bon, cette jeune femme, là dans son immeuble, ça le turlupine.
D'autant plus que très vite, un lien avec Léo est établi. Qui était-elle ? Et pourquoi ce lien mystérieux avec Léo ?
Les investigations se mettent lentement en place et alternent avec des chapitres sur l'adolescence de Léo.
Il a grandi à Salem, dans les barres d'immeubles d'une banlieue pas très chic de l'arrogante Stockholm.

[...] Pourquoi les jeunes n'auraient-ils pas une dent contre la police ?
- Je suis de Salem. Je sais ce que c'est.

Les flash-backs sur ces émois adolescents sont assez longs.
Léo et son meilleur ami Grim.
Léo et la soeur Julia de son meilleur ami Grim.

[...] Grim et moi pouvions parler de tout. Parler de tout sauf de Julia.

Hier comme aujourd'hui, Léo patauge et nous on piétine un peu.
Et puis à mi-chemin, on comprend que l'adolescence passée s'est mal terminée. Très mal.
Et bien sûr, on s'en doutait, un lien s'établit maintenant clairement entre la banlieue de jadis et le crime d'aujourd'hui.

[....] - Casse-toi d'ici pendant qu'il est encore temps, Junker.
J'ai un mauvais pressentiment.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Quelque chose va mal tourner. (Il me lâcha et commença à reculer). C'est cuit.

Contrairement à l'exotisme côtier qu'on évoquait dans L'heure trouble de Johan Theorin, ce bouquin citadin n'a en apparence rien de suédois : tout cela pourrait bien se dérouler dans n'importe quelle banlieue de n'importe quelle grande ville, de Los Angeles à Francfort.
Mais c'est peut-être aussi tout l'intérêt de ce bouquin que de nous montrer une Suède loin de tout exotisme et finalement très semblable à nos contrées.
On découvre également quelques pratiques souterraines intéressantes concernant ceux qui veulent se faire oublier et perdre toute trace de leur identité passée, à une époque où l'on se préoccupait plus des marques faites par ses tatouages que de ses traces laissées sur facebook. Le titre de la VO est d'ailleurs L'homme invisible de Salem. Le titre en VF occulte cet aspect.
Mais, on l'a dit, les retours sur la jeunesse passée de Léo, Grim et Julia, sont vraiment trop insistants et cassent le rythme d'un polar déjà guère trépidant : certes, tout cela contribue à tisser et l'intrigue et l'ambiance, mais ces digressions adolescentes sont vraiment trop longues. Dommage.
Heureusement l'écriture est solide et nous invite à suivre Léo jusqu'à un dénouement assez prévisible.
Sans esbroufe ni effets, C. Carlsson (jeune auteur trentenaire) nous a piégés dans une ambiance finalement très noire. Sa description de la société suédoise, tout au fond de l'arrière boutique, loin de la vitrine, est assez sinistre et il s'en dégage une sorte de déterminisme social et familial plutôt désespérant, auquel il semble impossible d'échapper.
En tout cas pas depuis Salem.
Et comme on l'a dit, aucun exotisme ne vient nous aider à tenir tout cela à distance pour nous protéger. Brrrr.
Certainement pas LE polar de l’année, mais ça se laisse lire.

Ce bouquin nous a été aimablement offert par l’éditeur Ombres Noires et Babelio.

Pour celles et ceux qui aiment les banlieues, les tatouages, les émois adolescents et les châteaux d'eau.
D'autres avis sur Babelio.



Aucun commentaire: