vendredi 19 septembre 2014

BD : Blast

Flash-black.

Après de longues années vouées aux couleurs acryliques et rutilantes, la BD européenne, bousculée par l’irruption des mangas,  n'en finit plus de redécouvrir les plaisirs du noir & blanc.
Les exemples ne manquent pas :
- les polars comme Le casse ou Trouble is my business
- l'excellent et effrayant Boucher de Hanovre (coup de cœur pour ces allemands)
- l'espagnol et franquiste Piège
- le cultissime Maus (autre coup de cœur incontournable pour l’américain né à Stockholm)
bref, les exemples ne manquent pas (et encore, ce ne sont que ceux que l'on a pris le temps de lire ici !).
À classer sur ce même rayon, depuis un premier volume paru en 2009, Manu Larcenet (un ancien de Fluide Glacial) vient de terminer cette année, une série de poids avec Blast.
Ça commence façon polar et directement en garde à vue : Polza (on vous laisse le plaisir de découvrir la genèse du prénom !) est interrogé par la PJ. Visiblement, Polza est un clochard à la dérive, un marginal en perdition, interrogé pour ce qu'on devine de quelques horreurs sur une douce jeune femme, par des flics impatients de le déférer au parquet.
D'ailleurs Polza a tout d’un affreux jojo : obèse, colérique, énorme, gavé aux barres chocolatées et imbibé d'alcool.
Sauf que ...
Sauf que Polza se dit écrivain, sauf que Polza semble se contrefiche d'être inculpé et sauf que Polza entend d'abord raconter toute son histoire aux flicaillons impatients.
[...] Si vous voulez comprendre, il faut que vous passiez par où je suis passé.
Chouette, c'est parti pour quatre gros volumes.
On s'attache très vite à ce personnage d'apparence pourtant odieuse et hideuse. Quelques pages seulement et nous voici accros au récit de son aventure humaine (car l'apparence de Polza est trompeuse et c'est bien d'humanité qu'il s'agira). L'impatience des flics finit par nous gagner (heureusement, les 4 tomes de la série sont désormais publiés !).
Et contrairement aux apparences encore (il faut quelques pages pour dépasser la surprise de ce noir & blanc envahissant, avare de textes et chiche en dialogues), le dessin (où l’on croit apercevoir parfois le fantôme de Fred)  finit de nous accrocher définitivement : pour dépeindre les noirceurs de l'âme, Manu Larcenet a opté pour une gamme étonnamment variée de beaucoup de noirs et d'un peu de blancs. Des pages d'une profonde noirceur mais des planches d'une luminosité surprenante, tout à fait en accord avec le propos et une histoire où justement tout n’est pas noir ou blanc, chapeau l'artiste.
Des planches comme celle-ci valent le déplacement !
Un dessin qui se révèle étrangement physique et qui tente de nous faire ressentir la pesanteur des corps malades, blessés ou maladroits, l'humidité et la vitalité des forêts grouillantes, l'errance des regards éperdus, ... Étonnant.
Dans ce registre de couleurs on se doute que l’histoire n’est pas bien gaie et elle se termine très habilement sur un dernier chapitre qui s’intitule : Pourvu que les bouddhistes se trompent … Tout un programme dont on vous laisse découvrir le sens exact.
Tout tout petit bémol : on comprend que Larcenet se soit laissé emporté par son talent, on apprécie le rythme lent qui nous laisse nous imprégner des ambiances mais l’histoire aurait gagné à être plus ramassée et on aurait sans doute pu gagner l’un de ces quatre gros volumes.
D'autres images encore : [1] [2] [3] [4] [5] [6]

Pour celles et ceux qui aiment quand tout n’est pas noir ou blanc.
L'avis de Télérama, d'autres sur SensCritique.

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