vendredi 29 novembre 2013

Témoin involontaire (Gianrico Carofiglio)

La parole est à la défense …

Encore un auteur italien de polars : après le napolitain Maurizio di Giovanni et son commissaire Ricciardi qui voit la douleur des morts, voici donc Gianrico Carofiglio, un auteur du sud de l’Italie, de Bari dans la région des Pouilles (l’ancienne Apulie des romains). La région des trulli où nous avons passé quelques jours bien agréables cet été [nos photos sont ici]. Évidemment on ne pouvait pas laisser passer l’occasion d’y retourner !
D’autant que le style de Carofiglio nous change un peu des polars habituels : l’auteur est magistrat et son héros avocat.
Guido est même un bon avocat : du genre à faire acquitter et libérer un dealer notoire, ou un vendeur de hot-dog dont le camion insalubre a été saisi par la brigade sanitaire, ou même un toubib peu consciencieux qui aura laissé mourir une jeune fille de péritonite en prétextant qu’il s’agissait seulement de douleurs menstruelles.
Bon, parfois Guido doit composer avec sa conscience et par exemple, éviter de croiser le regard des parents de la jeune fille en sortant de la salle d’audience.
De plus, en ce moment ça va pas fort pour Guido et voilà que sa copine le quitte. Le voici en pleine déprime et les livres ne suffisent plus à l’aider.

[…] Quand je vais chez quelqu’un pour la première fois, je vérifie s’il y a des livres, s’ils sont rares, s’ils sont nombreux, s’ils sont trop bien rangés - ce qui n’augure rien de bon -, s’il y en a partout - ce qui est du meilleur augure -, et cetera et cetera.

Jusqu’à ce qu’un après-midi …

[…] Je me souviens parfaitement du jour, ou plutôt de l'après-midi, où tout a commencé. J'étais arrivé à mon cabinet depuis un quart d'heure, et je n'avais aucune envie de travailler. J'avais déjà consulté mon courrier électronique, ouvert ma correspondance, remis de l'ordre dans mes papiers, passé deux ou trois coups de fil inutiles. Bref, j'avais épuisé tous les bons prétextes pour ne rien faire.

Ce jour-là, une drôle d’affaire arrive à son cabinet : un sénégalais qui vend des contrefaçons sur la plage aux alentours de Monopoli est accusé du meurtre odieux d’un petit garçon qui traînait sur le bord de mer. Sans trop réfléchir (la déprime ou l’ennui sans aucun doute ?), Guido va prendre l’affaire en mains et assurer la défense de Abdou.
Ces africains mal venus en Italie, vendeurs de Vuitton et de Rollex, on les a croisés nous aussi cet été, sur les mêmes plages, au nord et au sud de Bari. On les avait croisés également chez Donna Leon à Venise : c’étaient les vu comprà de son bouquin De sang et d’ébène.
On sait que généralement la justice est plutôt mal-voyante. Mais pour ce petit peuple mail aimé et sans ressources, la justice se fait franchement aveugle devant les évidences et sourde devant les arguments. Devant cette justice-là, un “nègre” ne pèse pas lourd, fut-il comme Abdou enseignant trilingue en son pays.
Avec ce polar judiciaire, on n’est pas tout à fait dans une enquête policière et l’on découvrira les nouveaux éléments, un peu comme les jurés, au cours des débats et des plaidoiries : l’avocat Guido et son auteur savent ménager ses effets.
Un bouquin bien fichu et très agréable à lire avec une ambiance fouillée qui fait un peu penser à celle du chilien Ràmon Dìaz-Eterovic (avec son privé Heredia et son chat Simenon).
Outre la procédure judiciaire (pas trop compliquée, rassurez-vous), on se plait à suivre les démêlés de Guido avec sa déprime et ses petites amies et on se dit qu’on tient là encore une bonne série : d’autres épisodes nous attendent déjà et on va donc attendre le prochain avant d’épingler un coup de cœur … qui ne saurait tarder.


Pour celles et ceux qui aiment les prétoires.
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