mardi 26 novembre 2013

BD : Quai d’Orsay

Portrait de groupe avec boss.

Le film est pourtant sorti en salle mais ça n'a pas suffit et il aura fallu qu'un collègue nous prête carrément la BD pour qu'on se décide enfin à ouvrir ces albums ! On a parfois des aprioris tenaces ...
Faut dire que le titre (Quai d’Orsay, chroniques diplomatiques ?), le sujet (les coulisses du pouvoir, les couloirs du bureau ?) et le dessin (en apparence brouillon ?) n'étaient guère attirants.
Grave erreur : cette BD se révèle très efficace. Paradoxalement ça accrédite d'autant plus l'idée de ne pas aller voir le film, forcément en-deçà de l'album(1).
Depuis le récent film, on sait tout de la genèse de ces ouvrages : Antonin Baudry fut l'un des conseillers  de Dominique de Villepin. Il rencontrera Christophe Blain et signera avec lui (sous le pseudo de Abel Lanzac) la fameuse BD, qui depuis a été transposée au cinoche.
Les deux albums racontent la vie quotidienne de l'équipe du Quai d'Orsay et se terminent sur le fameux discours à l'ONU contre la guerre en Irak (le Lousdem dans la BD !).
S'il n'y avait que cela, on serait restés sur nos aprioris tenaces : y'aurait pas de quoi s'enthousiasmer pour les couloirs du bureau et les coulisses du pouvoir.
Mais ?
Mais dès les premières cases on est happés par cette histoire vive, intelligente et amusante,  idéalement mise en images et qu'on feuillette à vive allure. Parce qu'ici le fond et la forme sont en totale harmonie pour rendre compte de l'agitation brouillonne, fébrile, désordonnée, ... de l'équipe diplomatique toujours en crise. Sous la conduite du big boss(2) c'est l'effervescence, ça déborde d'énergie et ça file à cent à l'heure. Car c'est “ça” le sujet de la BD : c'est pas la diplomatie (on y apprend assez peu de choses sur ce chapitre), ni même le pouvoir, non, c'est la personnalité de ces grands patrons, parfois caractériels et insupportables, toujours imprévisibles et ingérables, qui survolent tout et son contraire, superficiellement, surfant et rebondissant sur les idées des autres, passant de l'une à l'autre avec l'agilité d'acrobates de haut vol. Des dirigeants imbus de leur personne et de leur pouvoir, bouffis d'arrogance, gonflés de suffisance. Mais gonflés à bloc et frôlant le génie. Parfois.
Derrière eux, il faut que l'intendance suive, bon gré mal gré ...

[...] Il lance la boule, il dit un truc, c'est n'importe quoi en apparence, mais quand tu comptes les points, c'est complètement dingue. Sa boule est toujours à 1 cm du cochonnet de la vérité. […] Mais par contre, qu'est-ce qu'il est chiant ! C'est X-or ce mec. Tu ne peux pas discuter avec lui. Il est constamment dans une dimension parallèle.

Alors des fois (assez rarement il est vrai) y'a des idées qui marchent ...
Ah, je vous l'avais bien dit mon petit Arthur, vous voyez bien que j'avais raison ...
Et des fois (plus souvent sans doute), ça fait flop.
Pfff, encore une de vos idées à la con mon petit Arthur, faut vous reprendre hein ?
La BD a le mérite de décrire cela avec suffisamment d'ambigüité pour éviter au lecteur de prendre position sur Villepin (un cas d'espèce dont on se fout un peu aujourd'hui alors que la portée de cette histoire reste générale). Est-il Don Quichotte ou plutôt un moulin à vent ?
Un peu des deux sans aucun doute car la BD est plus subtile que cela et le portrait moins caricatural qu'il n'y parait : ces grands patrons sont aussi là pour foncer en avant et tirer derrière eux la kyrielle de l'intendance qui mettra en œuvre les idées qui n'ont pas fait flop.
C'est comme au bureau : qui dans sa carrière, n'a pas connu un dirigeant qui ressemble comme une goutte d'eau à celui-ci, qui traverse littéralement les bureaux ou les cases de la BD tel un cyclone, parfois dévastateur pour le patient travail quotidien ?
Les portraits brossés dans ces albums sont criants de vérité (étranges dessins qui pourraient paraître mal finis mais qui, mordants et vifs comme le texte, excellent à faire ressortir une expression) et ne tombent jamais du côté convenu de la caricature trop facile.
Le deuxième album est peut-être un petit peu moins intéressant : plus sérieux, plus politique, on y découvre les coulisses de l’ONU jusqu’au fameux discours de Villepin.
On n'a pas vu le film, on l'avoue, juste la bande annonce qui, ni avant et encore moins après la lecture, ne nous a donné envie d'aller voir Lhermitte au cinoche : alors faites comme nous, ne manquez pas la BD, primée à Angoulême l'an passé !
Des extraits de la BD : [1], [2] et [3]

(1) - un film qui au vu de la seule bande annonce, semble très fidèle au texte, mot à mot
(2) - De Villepin a été judicieusement banalisé, reconnaissable mais sans plus


Pour celles et ceux qui aiment aussi la vie au bureau.
D’autres avis sur Babelio.


1 commentaire:

dasola a dit…

Bonjour, je recommande néanmoins d'aller voir le film qui redonne envie de lire la BD. Bonne fin d'après-midi.