jeudi 3 janvier 2008

Le terrier (Franz Kafka)

Labyrinthique.

L'idée de lire Le terrier, ce tout petit opuscule (oui ! encore un), une nouvelle en fait, nous était venue en octobre à l'occasion de l'expo Bêtes et Hommes à La Villette.
Un extrait du texte de Kafka y était lu en boucle par Denis Lavant dans l'obscurité d'un faux-terrier reconstitué et c'était, avouons-le, saisissant, du moins pour celui qui se donnait le temps de prêter l'oreille.
Alors on a retrouvé ce très beau texte en version intégrale.
Intégrale ou presque, puisqu'il s'agit d'une des dernières nouvelles de Franz Kafka, ... jamais achevée.
Mais, dans l'esprit tortueux de Kafka, y'avait-il seulement une fin à ce texte qui tourne en rond comme tourne en rond la créature, mi-homme mi-bête, qui s'agite et s'affole dans son terrier ?
Le discours obsessionnel de cette créature est vraiment hallucinant.
[...] Il me semble parfois dangereux de baser toute la défense dans la forteresse, car la diversité du terrier m'offre un très large éventail de possibilités, et il me paraît plus
conforme à la prudence de disperser un peu les provisions et d'en pourvoir un certain nombre de petits ronds-points; je décide alors par exemple qu'un rond-point sur trois deviendra une réserve ou qu'un rond-point sur quatre sera une réserve principale et un sur deux une annexe, et autres calculs du même genre. Ou bien, en guise de manoeuvre de diversion, j'exclus totalement que certaines galeries puissent être garnies de provisions, ou bien je choisis au hasard un petit nombre de ronds-points, en fonction de leur position par rapport à la sortie principale. [...] Il me semble parfois - habituellement lors d'un réveil en sursaut - que la répartition actuelle est tout à fait mauvaise, qu'elle peut être source de graves dangers et doit être sur l'heure rectifiée au plus vite.
Et ainsi pendant des pages et des pages, des jours et des jours, l'homme ou la bête tourne en rond dans son terrier, défaisant ceci, refaisant cela, améliorant ici, fortifiant là, ... cherchant à se protéger toujours mieux et toujours plus d'une hypothétique attaque ...
Jusqu'à ce qu'un jour il entende un bruit inhabituel, un chuintement.
Et voici l'homme ou la bête (le choix n'est jamais possible et c'est là un des nombreux atouts de ce texte) reparti à la recherche sans fin de la source de ce chuintement, un ennemi sans aucun doute, un prédateur à sa poursuite, ... à moins qu'il ne s'agisse peut-être que de l'écho de sa propre respiration ?
Nous ne le saurons jamais et Kafka a emporté son secret dans son propre terrier.
Un opuscule minuscule par la taille (quelques 60 pages sur 15 petits centimètres de hauteur) mais grand par la puissance du texte.

Pour celles et ceux qui aiment les histoires de fous.

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