lundi 31 mai 2010

Debrà Libanos (Luciano Marrocu)

Cauchemar colonial.

Alors que l'actualité cinéma remet en lumière l'assassinat des moines de Tibéhirine, c'est un autre massacre, un autre monastère et une autre Histoire qu'on évoque ici avec le sarde Luciano Marrocu : en mai 1937 sur l'ordre du maréchal Graziani - le boucher de l'Éthiopie - qui vient d'échapper à un attentat, plus de 500 moines sont exécutés à Debrà Libanòs, près d'Addis-Abeba.
C'était l'époque où l'Italie fasciste et son Duce rêvaient de conquêtes et entendaient rivaliser avec les grandes puissances coloniales.
[...] - Il existe un télégramme de Graziani au ministère de l'Afrique italienne qui parle de l'exécution de deux cent quatre-vingt-seize moines et de vingt-trois laïques. En somme il y a eu un attentat et il fallait bien lui donner une réponse ... Certes, la mesure ... oui, la mesure de la réponse, on peut peut-être en discuter. D'autre part les moines de Debrà Libanòs étaient suspects de connivence dans l'attentat contre le vice-roi.
- Tous les deux cent quatre-vingt-seize et les vingt-trois laïques, cavaliere ? Tous suspects ? Une conspiration bien ramifiée, il n'y a rien à dire.
Au lendemain de ces sombres évènements, l'inspecteur Serra débarque à Addis-Abeba pour enquêter sur l'assassinat d'un officier italien, Duilio Bellassai.
Vengeance de la résistance abyssine (l'officier aurait participé au massacre des moines) ?
D'un mari jaloux (l'officier était réputé pour ses conquêtes féminines) ?
Ou encore machinations politiques destinées à évincer le vice-roi Graziani ?
[...] De quelle manière la vie d'un personnage comme Bellassai pouvait servir à en comprendre la mort ? Et sur quel Bellessai avait tiré l'assassin ? Sur le Bellassai séducteur ? Sur le joueur endetté ? Sur l'organisateur d'improbables complots ? Sur le massacreur d'innocents ?
L'enquête de l'inspecteur Serra nous mène dans les coulisses de la vie coloniale italienne en Éthiopie.
[...] Quant aux visages des autres, les Abyssins, on finissait par ne plus les remarquer: "Moi je ne les vois vraiment pas, et pourtant j'en ai quatre à la maison", avait-il entendu dire par la femme d'un officier.
Avec ironie, Luciano Marrocu nous dépeint le petit monde des colonies.
Les enquêtes de l'inspecteur Serra(1), sont un peu le versant italien de celles de Bernie qu'on avait croisé avec plaisir dans la Trilogie Berlinoise.
On pourra retrouver Luciano Marrocu et son inspecteur avec un autre épisode qui vient de paraître en français : Fáulas.
(1) : l'inspecteur Serra est membre de l'OVRA (surnommée la PIOVRA), l'organisation de vigilance et de répression de l'antifascisme, une sorte de Gestapo mussolinienne.

Pour celles et ceux qui aiment les histoires avec de l'Histoire dedans.
Les lyonnais de La fosse aux ours éditent ces 155 pages qui datent de 2002 en VO et qui viennent d'être traduites de l'italien par Marc Porcu.
Eontos parle de Fáulas.


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