lundi 19 janvier 2009

Courir (Jean Echenoz)

C’est l’histoire d’un type.

On vient juste de dire tout le bien qu'on pensait de la plume de Jean Échenoz avec Lac, qui date de 2005.
Et puis Véro nous a prêté la dernière et toute récente production d'Échenoz : Courir.
Courir, c'est l'histoire d'Émile.
Émile n'aime pas le sport. Émile travaille dans une usine de chaussures Bata en Tchécoslovaquie (c'est ça le destin ?).
Émile sera pourtant le coureur le plus rapide du monde.
Émile n'aime pas trop son boulot à l'usine. Et on s'aperçoit qu'Émile est vraiment très rapide à la course, même s'il court n'importe comment.
Alors, poussé par son entourage, Émile s'entraine, s'entraine encore, par tous les temps.
Bientôt les records de Tchécoslovaquie commencent à tomber dans les poches du survêtement d'Émile.
Encore quelques années d'entrainement et ce sera les records d'Europe puis du monde. Le 5.000 mètres, le 10.000 mètres, le record de l'heure (plus de 20.000 mètres), les médailles d'or des Jeux Olympiques, jusqu'au mythique marathon.
C'est l'histoire d'Émile.
C'est l'histoire de Zatopek, Émile Zatopek, la locomotive tchèque qui sera pendant de nombreuses années l'homme le plus rapide du monde, accumulant records et médailles et courant n'importe comment, sans style, la tête bringuebalant sur le côté, sans méthode, au grand dam des entraineurs et docteurs sportifs. À une époque où le mot dopage n'avait pas encore été inventé et où sur la piste, sur la cendrée comme l'on disait encore, il n'y avait que des hommes et non des cobayes de labos pharmaceutiques.
[...] Un  jour on calculera que, rien qu'en s'entrainant, Émile aura couru trois fois le tour de la Terre. Faire marcher la machine, l'améliorer sans cesse et lui extorquer des résultats, il n'y a que ça qui compte et sans doute est-ce pour ça que, franchement, il n'est pas beau à voir. C'est qu'il se fout de tout le reste. Cette machine est un moteur exceptionnel sur lequel on aurait négligé de monter une carrosserie. Son style n'a pas atteint ni n'atteindra peut-être jamais la perfection, mais Émile sait qu'il n'a pas le temps de s'en occuper : ce seraient trop d'heures perdues au détriment de son endurance et de l'accroissement de ses forces. Donc même si ce n'est pas très joli, il se contente de courir comme ça lui convient le mieux, comme ça le fatigue le moins, c'est tout.
Enfin, presque tout. Car Échenoz a l'intelligence de replacer la course d'Émile dans celle, encore plus folle, du monde. Le monde finissant du XX° siècle.
Émile a 17 ans quand le III° Reich envahit les Sudètes (beaucoup) et la Tchécoslovaquie (un peu, tant qu'on y est, on y reste). La première course officielle d'Émile est un cross de la Wehrmacht. Après la guerre il court à Berlin dans le stade construit par Hitler pour les fameux JO de 1936. Plus tard son talent est "utilisé" par la propagande tchèque (ou même celle du PC français avec le cross de l'Humanité). Même si le pouvoir communiste ne lui délivre des visas qu'au compte-goutte ... dès fois qu'il prenne goût à la course de l'autre côté du rideau de fer.
Encore un peu plus tard, il se rallie à la bannière de Dubcek pendant le printemps 68.
On sait comment le printemps se termine : Émile signera donc son autocritique comme tout le monde et, après un passage par les mines d'uranium, finira archiviste dans un sous-sol du ministère des sports.
Ce petit bouquin d'Échenoz (tous les bouquins d'Échenoz sont petits !) se lit à toute allure, à toute vitesse.
En moins de deux heures, en moins de temps qu'il n'en faut à Émile pour courir les 20.000 mètres.
On suit tout cela (les courses d'Émile et la roue de l'Histoire) au rythme donné par Échenoz, dans la foulée d'Émile : c'est passionnant, captivant, haletant.
Sous la plume d'Échenoz, on a l'impression de voir le monde courir à sa perte tandis que le petit bonhomme Émile court sur la planète, poursuivi par les chars, essayant vainement d'échapper à l'Histoire qui finira par le rattraper lorsque, avec l'âge, Émile s'essouffle et se trouve bien heureux de voir quelques jeunes prendre enfin la relève.
Échenoz est un écrivain fort discret et fort talentueux. C'est son dernier bouquin et son écriture si caractéristique (une douce ironie, une tendre cocasserie, faussement naïves), est ici parfaitement dosée et maîtrisée et réussit à nous faire partager pendant quelques pages la course folle d'Émile.
Impeccable.

Pour celles et ceux qui aiment la course à pied, et même pour ceux qui n'aiment pas.
Les éditions de minuit éditent ces 142 pages qui datent de 2008.
Benjamin en parle, Culture-Café et Lucretius aussi. BlueGray a moins aimé. D'autres avis sur Critiques Libres.
Les Éditions de minuit proposent intelligemment de découvrir en ligne les premières pages du roman : c'est ici.
Une bio d'Échenoz.

jeudi 15 janvier 2009

Élégie pour un américain (Siri Hustvedt)

Chez la voisine de Woody Allen.

Siri Hustvedt n'est autre que l'épouse de Paul Auster : un parrainage qu'elle assume fort bien tant son style est limpide et maîtrisé comme le montre son roman, Élégie pour un américain.

Élégie : poème lyrique, écrit dans un style simple, qui chante les plaintes et les douleurs de l'homme, les amours contrariés, la séparation, la mort.

Pour une fois tout est dit dans le titre (The sorrows of an american en VO).
Le roman entremêle (très habilement) le présent d'un psychanalyste new-yorkais et de sa sœur avec le passé de leur père, voire de leurs grands-parents.
Avec même des extraits des mémoires du père (des vraies mémoires du vrai père de Siri Hustvedt).
Une famille d'immigrés norvégiens (Siri Hustvedt est d'origine norvégienne) et cette histoire «intergénérationnelle» comme on dit, pourrait faire le lien transatlantique entre les sagas nordiques qu'on a découvertes récemment ici ou et les histoires plus américaines qu'on a pu lire ici et .
Les plus attentifs auront également repéré quelques mots-clés : psychanalyse, New-York, ... oui, on est en plein dans le monde de Woody Allen. Celui des intellectuels américains (enfin, new-yorkais) tourmentés aujourd'hui par les suites du 11 septembre et la guerre en Irak (les américains semblent avoir découvert le mal depuis qu'il a frappé chez eux).
C'est ce côté parfois un peu jérémiade qui peut agacer, comme peuvent aussi gêner les références répétées à la psychanalyse et aux patients du héros. 

[...] La mère de Mr. B. s'était ouvert les veines dans son bain. Son mari avait découvert son corps lorsque l'eau ensanglantée avait passé sous la porte. Après avoir fermé le robinet, il avait trouvé son fils en bas, dans la cuisine, et lui avait annoncé laconiquement : Ta mère est morte. Après quoi il l'avait enfermé dans sa chambre, où le gamin était resté assis pendant des heures. Les adultes lui avaient menti au sujet de la mort de sa mère, même si "le cœur" avait constitué une métaphore efficace pour ce dont avait souffert la mère de Mr. B. Tant de mutisme.

On aurait peut-être préféré se concentrer sur la belle histoire du frère et de la sœur à la recherche de leur père, de la mémoire de leur père, quitte à ce que ce soit dans des rêveries ...

[...] Il portait les lunettes à monture sombre dont je me souvenais depuis mon enfance, et je m'approchais de lui. "Papa ?" Il se mettait à parler de notes en bas de page, mais j'avais de la difficulté à suivre ce qu'il disait et sa voix paraissait venir de loin, comme d'une autre pièce, en dépit du fait que son visage sans rides se trouvait proche du mien et paraissait étrangement agrandi. Il n'y avait pas de bonbonne d'oxygène près de lui, pas de cicatrice due au cancer sur son nez, pas d'appareils auditifs dans ses oreilles. Sa jambe gauche n'était pas raide. Il vieillit sous mes yeux. Mon vieux père remplaçait le jeune homme. Les lunettes qu'il portait devinrent les lunettes à monture d'acier que je lui avais vues les derniers temps, son visage se couvrit de rides profondes. Je vis la marque violacée sur le côté droit de son nez, là où les chirurgiens lui avaient greffé de la peau de son crâne afin de réparer les dégâts résultant de l'opération par laquelle ils lui avaient extirpé le mal. Il sourit.
"Père, lui dis-je. N'es-tu pas mort ?
- Si", répondit-il, penché en avant, les bras tendus vers moi. 

Siri Hustvedt est plus connue pour l'un de ses livres précédents : Tout ce que j'aimais, que les lecteurs semblent avoir préféré à ce dernier. Il a donc fallu qu'on le lise également !


Pour celles et ceux qui aiment les tourments.
Comme pour «monsieur», c'est Actes Sud qui édite ces 394 pages qui datent de 2008 en VO et qui sont traduites de l'américain par Christine Le Boeuf.
Guillaume en parle longuement. D'autres avis sur Critiques libres.

lundi 5 janvier 2009

Un lieu incertain (Fred Vargas)

Fausse modestie.

Il y avait longtemps qu'on n'avait pas replongé dans les polars de Fred Vargas et on a donc manqué les dernières enquêtes du commissaire Adamsberg, faut dire que les effets de style de la dame à la plume si savoureuse se dégustent mieux à petites doses.
Mais voilà, Véro nous a prêté Un lieu incertain.
Et dans ce lieu incertain, Fred Vargas s'est déchaînée : un véritable feu d'artifice d'associations d'idées, un festival d'Adamsbergueries.
Les personnages se multiplient (le commissaire british, le neveu serbe, les adjoints ahuris de la brigade du commissaire, ...) et les dialogues sont tous plus déjantés les uns que les autres.
Fred Vargas manie le fil et l'aiguille avec doigté et saute du coq à l'âne avec souplesse.
Se payant même le luxe (en train-couchette quand même) de la touche européenne puisqu'on chemine du cimetière de Highgate de Londres à un sombre village de Serbie.
L'auteure a le don de nous faire toucher le tissu erratique qui sous-tend le monde que l'on dit rationnel. C'est pas du fantastique ou du surnaturel (il ne s'agit que de pensées, d'actes ou de paroles très humains, si humains justement) mais, comment dire, on n'a pas tous le don d'Adamsberg pour naviguer dans ces eaux troubles et discerner les connexions au-delà des apparences. On s'identifierait plutôt aux collègues ahuris de la brigade !
Au passage Adamsberg bénéficiera d'un diagnostic médical très poussé :

[...] - Une absence quasi totale d'angoisse. C'est une posture rare. En contrepartie bien sûr, l'émotivité est faible, le désir pour les choses est atténué, il y a du fatalisme, des tentations de désertion, des difficultés avec l'entourage, des espaces muets. On ne peut pas tout avoir. Plus intéressant encore, un laisser-aller entre les zones du conscient et de l'inconscient. On pourrait dire que le sas de séparation est mal ajusté, que vous négligez parfois de bien fermer les grilles.

Espérons que la science nous procurera bientôt des pilules du syndrome d'Adamsberg (en doses homéopathiques quand même).
Dans cet épisode, on accumule les petites histoires (la chatte, le chien, le docteur, le cimetière anglais, ...) qui s'entrecroisent et se recoupent et au bout de quelques chapitres on ne sait pas (on est curieux de savoir) laquelle donnera à Adamsberg la connexion clé qui dénouera l'écheveau de l'intrigue.
Ces histoires empilées, qui donnent de si savoureux dialogues sur lesquels surfe le grand maître Adamsberg, font penser à la structure des textes humoristiques et poétiques de Jean-Jacques Vanier, où le croisement tardif avec une histoire vue plus tôt déclenche tout à coup humour et poésie.

[...] - À quelle heure part le Venise-Belgrade ?
- À vint et une heure trente-deux. Je passe chez moi prendre un paquetage et mes montres. Ça me gêne, je n'ai pas l'heure.
- Quelle importance ? Vos montres ne sont pas à l'heure.
- C'est parce que je les règle sur Lucio. Il pisse contre l'arbre environ toutes les heures et demie. Mais il y a forcément du flou.
- Vous n'avez qu'à faire le contraire. Régler vos montres sur une pendule, ce qui vous donnera l'heure exacte des pissées de Lucio.
Adamsberg le regarda un peu surpris.
- Je ne veux pas savoir à quelles heures pisse Lucio. À quoi voulez-vous que ça m'avance ?
Danglard eut un geste qui signifiait "laissons choir" [...]

Voilà. Tout est là ! À pisser de rire.
Avant de se demander un peu bêtement, qui est dans le vrai ?
Danglard a certainement raison, Adamsberg est sûrement dans le juste. C'est toute la saveur des nuances mises à nu par dame Vargas.
Comme dans bon nombre de ses bouquins, les mythes surnaturels (ici les vampires) servent à décorer une histoire bien plus terre à terre ...
Dans la dernière partie de ce polar (en Serbie) le rythme s'essouffle un peu, les personnages se dispersent, les dialogues aussi, on sent qu'il faut dénouer l'intrigue et terminer l'enquête.
Comme on l'a dit, on a loupé les derniers épisodes (dont les Vents de Neptune) mais ce Lieu incertain nous semble l'une des meilleures cuvées du cru Vargas. Même si personnages et dialogues prennent largement le pas (et c'est bien le charme de ce bouquin) sur l'intrigue, reléguée au second plan.
Du coup, Sous les vents de Neptune est tombé dans la PAL ! À suivre donc ...


Pour celles et ceux qui aiment les histoires de vampires.
Viviane Hamy édite ces 385 pages qui datent de 2008.

jeudi 1 janvier 2009

Best-of 2008

Voici le 3ème best-of annuel sur ce blog, histoire de repérer ce qu'on pourrait appeler « les coups de cœur de nos coups de cœur ».
Même s'il est toujours difficile de faire un choix parmi les meilleurs,  car le tri a déjà été fait une première fois avant d'arriver sur le blog  ...
cliquez sur les vignettes ou sur les liens pour retrouver les billets en version intégrale


Notre billetLe canapé rouge de Michèle Lesbre.
L'histoire d'une femme qui se met en quête d'un amour perdu ... à Irkoustk en pleine Sibérie, au bord du lac Baïkal.
Cette quête, c'est celle du désir des choses perdues : un amour qui s'en est allé, un idéal (politique) qui ne s'est pas réalisé, un enfant qu'on n'a pas eu, ... Le voyage en train est comme une vie suspendue, une parenthèse, on s'en va mais c'est pour être plus proche de ce qu'on croit avoir laissé. Michèle Lesbre est pour nous l'une des découvertes de l'année puisqu'on la retrouve également sur le podium des polars !


Notre billetLa bénédiction inattendue et Les paupières de Yoko Ogawa.
Revoici la reine de l'étrange avec deux recueils de nouvelles parus simultanément et qui se font écho.
Les nouvelles des paupières mettent en scène des rencontres : un passager dans un avion, une vieille femme qui vend des légumes, un vieux célibataire et une écolière, ou encore une collectionneuse d'odeurs.
Les nouvelles de la bénédiction ont pour thème récurrent l'écriture, et Yoko Ogawa s'y met elle-même en scène : l'une des nouvelles raconte comment l'inspiration lui est venue pour écrire une nouvelle de l'autre recueil et ainsi la boucle est bouclée. Il était temps que Yoko Ogawa monte sur notre podium !


Notre billetInconnu à cette adresse de Kathrine Kressmann Taylor.
Une correspondance entre un juif américain et son ami allemand.
On vous laisse découvrir ce que cache réellement le titre de ce petit livre terrible mais très astucieux (on aurait presque pu le classer dans les polars), avec une belle alliance de la forme et du fond. Un incontournable.
Mais cette histoire a été écrite 2 ou 3 ans avant la guerre !
Plusieurs années avant que le monde ouvre les yeux : un livre obligatoire !


Notre billetOut de Natsuo Kirino.
Un roman foisonnant avec toute une galerie de personnages très fouillés (plusieurs points de vue sont alternativement donnés sur cette histoire) qui gravitent autour de ces quatre femmes. Quatre beaux portraits féminins, même si la peinture n'est pas très reluisante.
Quatre collègues qui vont, par la force des choses, s'entraider lorsque l'une d'elles va tuer presqu'accidentellement son mari lors d'une dispute. Il faut l'aider à se débarrasser du corps ...


Notre billetRevoici Michèle Lesbre avec Une simple chute.
Le voyage en train, parenthèse dans la vie, est décidément un prétexte à de singulières rencontres.
Ici le héros prêtera l'oreille à une étrange dame qui semble bien partie pour lui raconter sa vie.
Ulysse qui écoute le chant d'une sirène ... et comme chacun sait (sauf notre héros) il ne faut pas écouter la sirène ...
Les amateurs de polars pourront ici apprécier une très très belle plume.


Notre billetDérive sanglante de William G. Tapply.
Un polar qui change du lot habituel : Stoney Calhoun ne supporte même plus l'alcool et boit du coca depuis l'accident qui l'a rendu amnésique !
C'est plutôt sympa et si l'islandais Arnaldur Indridason nous avait dissuadés à jamais d'aller en Islande, bien au contraire l'américain William G. Tapply semble nous inviter à passer nos prochaines vacances dans le Maine ! Une série prometteuse : nous avons lu également Casco Bay.


  • Dans la catégorie bandes dessinées, la fin d'année aura vu quelques belles découvertes :

Notre billetMaus de Art Spiegelman.
Une référence des BDthèques. L'histoire autobiographique d'un auteur à la recherche de la mémoire de son père, rescapé des camps nazis. La vie du père Spiegelman, marchand juif plus vrai qu'une caricature, est décrite sans complaisance. Ses petits trafics pour échapper aux rafles, puis pour survivre dans les camps, ... il n'en est que plus humain dans ce monde qui ne l'était plus. Et au passage, Spiegelman épingle l'anti-sémitisme polonais (heureusement pour nous, le père de Spiegelman n'est pas né en France).


Notre billetLe piège de Felipe Calva et Federico del Barrio.
Après le nazisme ... le franquisme.
Des dessins en noir et blanc, en noir surtout avec de grands aplats très graphiques, dont certains sont de véritables prouesses.
Avec en prime, une idée astucieuse : le scénario du Piège met en scène ... un dessinateur de BD et on a donc bien sûr droit à "la BD dans la BD". Le héros prépare un épisode des aventures d'un super-héros en prise avec un affreux méchant. Les dessins de cette nouvelle BD s'intercalent dans la BD elle-même.
Peu à peu, au fil des pages, les deux histoires se rapprochent ou se répondent ...

Notre billetEnfin, la parution tant attendue du troisième tome de La légende des nuées écarlates de l'italien Saverio Tenuta.
Quittons la trop dure réalité ... avec cette superbe japonaiserie où les dessins (les peintures, devrait-on dire) sont absolument splendides, avec des images superbes qui rappellent bien entendu estampes et calligraphies japonaises. Trop beau !
Le scénario est riche et à la hauteur des dessins avec toute une alchimie complexe entre passé et présent.


  • Dans la catégorie cinéma, c'est plutôt le début d'année qui aura été riche en étoiles :


Notre billetIt's a free world de Ken Loach.
À plus de 70 ans, Ken Loach sait encore frapper fort, très fort.  Et plutôt du genre coup de poing dans la gueule. La démonstration est brève et sans appel : une jeune femme, exploitée par les valets du capitalisme relève la tête, elle tient absolument à s’en sortir. Super, on est avec elle !
Pour élever son jeune fils, pour ne pas finir comme son père, …
... elle deviendra elle-même une exploiteuse pour assurément rendre service à tous ces immigrés qui viennent chercher du boulot à l'ouest, permettant ainsi au patronat de maintenir la pression vers le bas sur les salaires du pays.


Notre billetLust caution d'Ang Lee.
Sur fond de guerre sino-japonaise, le plus beau couple de cinéma qu'il nous a été donné de voir depuis longtemps.
Un formidable duo d'acteurs : tout passe dans leur jeu, dans leurs regards. Sur leurs visages filmés au plus près par une caméra entièrement à leur service.
Chaque scène est d'une rare intensité où chaque mot, chaque geste, chaque regard compte et compte juste ... un véritable festival pendant 2h30 qu'on ne voit pas passer et où l'on se surprend le sourire aux lèvres, non pas parce que l'histoire s'y prête, loin s'en faut, mais tout simplement parce que l'on est ravi de se trouver dans la salle pour partager ces moments.


Notre billetThere will be blood de Paul Thomas Anderson.
Superbe reconstitution de cette course au trésor (dans les années 1910-1920 le pétrole est en train de remplacer l'or) qui met en scène ces nouveaux cow-boys en train de faire naître notre époque.
Daniel Day-Lewis campe magistralement l'un de ces prospecteurs, un entrepreneur, prêt à tout pour exproprier quelques paysans enfermés dans leur religion, forer ses puits et faire jaillir le sang noir de la terre.
C'est presqu'une naissance, une délivrance, celle de l'Homme englué dans la boue, les pieds qui pataugent, qui s'enfonce dans le sol pour exploiter cette richesse et pouvoir ainsi s'élever au-dessus de sa condition.
Mais la terre ne se laisse pas facilement forer et chaque puits aura son prix en vies humaines. Ce qui nous vaut quelques images d'une rare violence.
Oui : le sang va couler, celui des hommes comme celui, noir, de la terre.


  • Dans la catégorie dessin animé, un seul candidat l'été dernier mais ne nous plaignons pas, c'est un gagnant qui occupe facilement les trois marches du podium à lui seul :

Notre billetValse avec Bachir de Ari Folman.
Un documentaire plutôt : l'auteur part à la recherche de sa mémoire, à la pêche aux souvenirs, lorsqu'il était une jeune recrue de Tsahal, il y a vingt-cinq ans, au moment de la guerre du Liban.
Le film est effectivement construit comme un reportage et l'auteur interviewe d'anciens compagnons (les vrais prêtent d'ailleurs leur vraie voix aux personnages du dessin animé). Tous ont oublié ce qui s'était passé. La mémoire est soigneusement occultée : l'un n'a tué que des chiens, l'autre n'a fait que des promenades en bateau, aucun d'eux ne se souvient vraiment des horreurs de la guerre.
À ne surtout pas manquer.
  • Enfin, dans la catégorie musique, si quelques valeurs sûres avaient occupé le podium 2007, l'année 2008 aura vu la découverte d'au moins trois belles voix :

Notre billetAlela Diane.
Cette californienne cache bien son jeu sous une simplicité déconcertante.
Quelques accords de guitare qui roulent en boucle, une voix incisive, d'une clarté éblouissante, aux accents lancinants, tantôt folk, tantôt soul, parfois blues, des refrains quasi-répétitifs (ever again, ever again, ever again, ...).
Il s'en dégage une force étonnante et une ambiance unique.
Alela Diane sera au Bataclan le 6 avril.


Notre billetSophie Zelmani.
En route pour Stockholm d'où nous berce cette douce voix.
Avec son look indian west coast, son chaud patronyme (en fait cette belle brune s'appelle Sophie Edkvist, c'est plus suédois ça non ?), on se dit que la Suède recèle bien des surprises.
Les radios nous avaient passé en boucle un de ses tubes, Always you (à la James Blunt), mais la dame de Suède vaut bien mieux que cela. Beaucoup mieux.
C'est baba, c'est cool et les arrangements de guitares de Lars Halapi (ah, ça c'est suédois) sont vraiment aux petits oignions.


Notre billetEmiliana Torrini.
Un père italien, une mère islandaise, le pays d'Indridason , le pays du moment !
Et bien le mariage est réussi entre la chaleur d'une très belle voix et l'étrangeté glacée de vocalises ou d'arrangements à la Björk.
Le plein de douceur étrange mais la dame est aussi capable d'un swing endiablé.
Emiliana Torrini sera au Bataclan le 30 janvier.


Voilà, c'est dit, c'est fait, salut 2008 et vive 2009 !
Et pour ceux qui auraient raté le best-of 2007 : c'est encore !