vendredi 4 juillet 2008

Servir le peuple (Yan Lianke)

Révolution sexuelle.

Encore du nouveau au rayon littérature chinoise contemporaine.
Avec ce roman de Yan Lianke, presqu'une nouvelle, inclassable : Servir le peuple.
Yan Lianke n'est pas tout à fait un inconnu puisque nous l'avions découvert dans un recueil de nouvelles contemporaines : Amour virtuel et poil de cochon dont on avait déjà parlé ici.
Il y a bien sûr de l'iconoclasme chez Yan Lianke, au sens premier du terme, et c'est ce que met en avant la quatrième de couverture.
Qu'on en juge un peu :
Wu Dawang est un jeune paysan enrôlé dans l'Armée Populaire (Yan Lianke y est passé lui aussi), avide de promotion pour bénéficier d'un avancement et d'un laissez-passer pour quitter la condition de paysan et s'installer en ville avec sa femme qui, pendant son engagement, l'attend à la campagne.
Petit Wu est bientôt affecté au service d'un officier supérieur comme aide-de-camp ou ordonnance.

Alors Wu Dawang, comme une jeune recrue, hurla de toutes ses forces : 
- Servir un officier supérieur c'est servir le peuple ! 
Sa voix était sonore et puissante, bien rythmée, comme à l'entraînement lorsqu'il répétait avec ses camarades les slogans et les mots d'ordre.
Mais l'officier part au loin en mission et Petit Wu se retrouve seul avec Liu Lian, la très jeune femme de l'officier, qui, délaissée par son vieillissant colonel de mari, entend bien profiter des «services» du jeune aide-de-camp.
- Déshabille-toi ! Tu ne veux pas servir le peuple ? 
[...] - Sers le peuple ! Fais-le ! Fais-le ! Fais-le !
Les deux jeunes gens se jettent à corps perdus (c'est le mot) dans une fougueuse histoire d'amour, rivalisant d'audace. Allant, pour exciter leur désir, jusqu'à détruire les images pieuses de la maison : statues et portraits de Mao, slogans peints sur les affiches, c'est à qui se montrera le plus contre-révolutionnaire ...
Voilà de quoi plaire aux occidentaux en mal de dissidents.
Mais on aurait tort de ne lire ici qu'une critique de l'ordre communiste et militaire bien-pensant.
Car l'histoire de Petit Wu et Petite Liu est aussi une très courte mais très belle histoire d'amour.
Liu Lian et Wu Dawang avaient vécu six jours et six nuits sans se rhabiller. 
Mais la nature reprend forcément ses droits. Quand on atteint les sommets de la jouissance, la fatigue s'installe inévitablement. Ce n'est pas seulement la fatigue du corps mais aussi la fatigue de l'âme.
Un huis-clos amoureux où, en marge d'un monde codifié et normé, deux jeunes gens vivent une passion de quelques jours. De ces deux-là on pourra dire qu'ils ont vécu.

Pour celles et ceux qui aiment en vrac, Mao, l'armée, l'amour. 
Picquier édite ces 185 pages qui datent de 2005 en VO et qui sont traduites du chinois par Claude Payen.

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