mardi 26 septembre 2006

BD : Les eaux de Mortelune

Poursuivant notre saison BD Clin d'oeil, nous avons dépoussiéré de nos étagères une série qui nous avait transportés il y a maintenant une dizaine d'années : bonne pioche, tant il est vrai que le charme a de nouveau opéré.
Les eaux de Mortelune nous plongent avec effroi dans un Paris d'après cataclysme (Lyon apparaitra dans l'album n° 4) où les pluies acides détruisent bâtiments, bêtes, hommes et mutants, et l'on y découvre peu à peu notre futur univers.
Tout y est redevenu moyen-âgeux sous la coupe du Duc Malik et du Prince Jérôme de Mortelune, deux débauchés qui détiennent les clés du pouvoir sur cette terre dévastée : le carburant et l'eau douce.
L'intrigue progresse au fil des albums et le n° 5 offre une belle fin poétique mais plutôt pessimiste à cette histoire pour adultes.
Les numéros 6 à 10 tentent avec moins de succès de faire littéralement revivre les personnages.

samedi 23 septembre 2006

BD : Le tueur

Un polar en BD à ne pas manquer avec la série Le tueur qui nous plonge dans les états d'âme d'un tueur très ordinaire et très professionnel.
Un dessin moderne et original (on vous propose une planche derrière la vignette à gauche) mais qui reste très lisible et un texte fort bien construit, digne des meilleurs polars : rien à jeter dans cette série de 5 albums qui sort de l'ordinaire et qui a le mérite de réhabiliter une profession trop longtemps méconnue !
Quelques citations :
Mon idée de la gentillesse, c'est de foutre la paix aux autres, et tout ce que je demande, c'est que les autres me foutent la paix. Tous les autres.
... Pas la peine de me parler de justice ou de morale. Même Dieu je ne le crois pas. Chez moi, il a un casier.
... Moi je n'obéis à personne, je ne crois en personne, et je ne réponds de mes actes à personne. Mon seul mobile pour faire ce que je fais, c'est l'argent.
... J'aide les richards à s'entre-tuer. Les pauvres, eux, ils n'ont pas les moyens. Ils font ça eux-mêmes. Et après, ils finissent leur vie en taule.

BD : Monster

Attention, risque d'accoutumance !

Oubliez vite qu'il s'agit d'un manga et la consonnance japonaise du nom de l'auteur Naoki Urasawa.
Ne vous arrêtez pas au titre non plus, car Monster est véritablement une excellente bande dessinée (primée au Japon et parue en français chez Kana).
Le dessin (même s'il est en noir et blanc) est plus fouillé qu'il n'y parait, les dialogues sont fort bien écrits, et l'intrigue de ce thriller s'avère au fil des 18 volumes (ben oui, quand même !), riche et complexe à souhait.
Les mangas sont aux albums BD un peu ce que les séries télé sont au film en technicolor : Naoki Urasawa profite donc de la liberté du format manga publié en épisodes pour construire savamment son intrigue et développer d'agréables digressions qui sont autant de promenades où apparaissent de multiples personnages souvent très attachants. Le suspense, et parfois l'émotion, de chaque épisode nous tiennent en haleine jusqu'au suivant.
L'action de ce polar se déroule principalement en Allemagne (et autres pays de l'est) avec en décor la chute du Mur de Berlin, la réunification allemande, les néo-nazis ...
Monster constitue aussi un accès facile à l'univers des mangas : c'est quand même un vrai manga, en noir et blanc et qui se lit de droite à gauche. A découvrir absolument !

jeudi 14 septembre 2006

La promesse de Shanghaï (Stéphane Fière)

Toujours pour accompagner les photos de notre périple en Asie, voici le roman d'un auteur français, Stéphane Fière, qui vit actuellement en Chine, à Shanghai.
Son roman décrit la vie des paysans pauvres victimes de la corruption et des expropriations, devenus des "émigrants de l'intérieur" et qui viennent chercher du travail dans les grandes villes, en l'occurrence dans le bâtiment à Shanghai. La promesse de Shanghai c'est en quelque sorte, l'envers du décor du boom économique de la Chine.
La suite du roman décrit avec beaucoup d'ironie l'ascension sociale du héros et toutes les petites magouilles qui lui permettent peu à peu de s'en sortir.
On y découvre également les occidentaux (et les français) vus au travers des yeux chinois : décapant, même si parfois le trait semble un peu forcé.
L'écriture simple de Stéphane Fière et l'humour de son bouquin en font une lecture très facile.
Ici à Shanghai pas de pitié inutile : le gros poisson gobe le petit poisson qui avale les crevettes, le camion écrase la voiture qui écrase la moto qui écrase le piéton.
... Ensuite nous nous promenons le long de la rue Xizang et dans le marché aux oiseaux j'achèterai pour elle un grillon adulte et son panier en osier, il crissera du matin au soir pour que je me souvienne de cette journée.
... Ces amis étrangers, tout de même, comment peuvent-ils s'imaginer un seul instant que nous allons nous laisser prendre par leurs pièges grossiers et jeter par dessus bord nos six mille années d'histoire et le flamboiement de notre prodigieuse civilisation pour un bout de pain sans goût, un peu de leur verroterie, les gadgets peinturlurés de leurs techniciens ou des marchandises dont nous n'aurons jamais le moindre besoin. C'est certain ils nous prennent pour des japonais.

La Chine à petite vapeur (Paul Theroux)

Après avoir traversé la Chine à pied avec Ma Jian sur les chemins de poussière rouge, voici de quoi la parcourir de nouveau en train avec Paul Theroux et son roman : la Chine à petite vapeur.
Cet américain globe-trotter a livré de nombreux récits de ses voyages et son parcours en train dans la Chine de Deng Xiaoping (il y a près de vingt ans) est d'une belle écriture.
Le récit de ses rencontres pittoresques dans les gares, les wagons ou les villes est pimenté d'un humour très caustique et on ne s'y ennuie pas un instant.
Paul Theroux est parti de Londres pour gagner Pékin par le transmongolien : c'est donc tout naturellement ce livre qui nous aura accompagnés tout au long de notre voyage en Asie.
Theroux devra finir son voyage en voiture pour gagner Lhassa au Tibet (on est en 1986) et il aura ces mots prémonitoires alors que, vingt ans plus tard, la Chine vient tout juste d'inaugurer le train Qinghai-Tibet (le dernier tronçon Golmud-Lhassa vient d'ouvrir en juillet 2006), le train le plus haut du monde :  
Mais la raison principale pour laquelle le Tibet reste si peu développé et si anti-chinois - et si totalement démodé et plaisant -  c'est qu'il est l'une des seules merveilles de la Chine qui ne soit pas desservie par le chemin de fer. La chaîne du Kunlun garantit que le train n'atteindra jamais Lhassa.
D'autres extraits à déguster avant le voyage :
Il ne suffit pas aux chinois d'avoir levé l'interdiction de la publicité commerciale ; ils ne se contentent pas de coller des affiches ou de dresser des enseignes; ils préfèrent le contact direct - prendre le touriste par le bouton de sa veste, importuner le péquenot qui débarque de son lointain Gansu, hurler dans les porte-voix, agiter des drapeaux sous votre nez.
... Dans la plupart des autres pays , un bosquet, une prairie ou même un désert définit un paysage; si bien que vous associez immédiatement le pommier avec le Canada, le chêne avec l'Angleterre, le bouleau avec l'Union Soviétique et le désert et la jungle avec l'Afrique. Mais rien de tel ne nous vient à l'esprit en Chine, où la caractéristique la plus commune et la plus manifeste d'un site est un être humain - habituellement une foule d'êtres humains. Chaque fois que je contemplais un paysage, il y avait un être humain qui me rendait mon regard.
... Les chinois, dans leur innocence, viennent regarder les étrangers comme on va au spectacle.